dimanche 21 mars 2010

Dimanche poétique # 2-Étranges étrangers

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En ce matin d'Elections Régionales, alors que le FN  a atteint la semaine dernière un taux qui me révulse, je choisis ce poème de Prévert. Je le choisis aussi en hommage à mes élèves de Roubaix.

Étranges étrangers
 
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boite de cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez.


Jacques PRÉVERT, 1955

mercredi 17 mars 2010

Cité perdue # 2 : le retour

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Ouf! Tout le corps de l'expédition est sain et sauf : nous sommes parvenus à nous extraire sans dommage de la Faille Chronotopique dans laquelle a sombré le Palais Rameau . Cela n'a pas été sans mal : dans les ruines de la Cité Perdue et la jungle qui l'entoure rôdent d'étranges créatures...

Phew! All the corps of the expedition  is safe: we succeeded in extracting without damage of the Chronotopical Fault  into which sank the Palais Rameau. It was not without difficulties : in the ruins of the Lost City and the jungle which surrounds it,  strange creatures are roaming...



Partout, de macabres découvertes nous appelaient à la prudence...



Mais la Faille Chronotopique recèle également bien des beautés...


Après de longues heures de recherche, et après nous être péniblement frayés un chemin à travers la jungle, Edmond découvrit enfin à travers ses jumelles la base des Explorateurs de la Cité Perdue, dont on avait perdu la trace depuis 1923...


Notre rencontre avec le Professeur Archibald Ternatif, le célèbre magnéto-archéologue, fut particulièrement passionnante. Eugène put partager ses anecdotes d'explorateur...




Le Professeur nous apprit que la Faille se refermerait le 11 avril : nous lancerons certainement une nouvelle expédition d'ici là, tant de choses restent à découvrir sur le système des Chronotopies!
Il nous a également communiqué de précieuses informations sur la Cité Perdue, que vous pouvez consulter ici...



Retrouvez un reportage sur cette exposition sur France 3

Cité perdue # 1

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Qu'est-ce que c'est? Vous le saurez tout à l'heure, quand nous serons de retour de l'expédition. SI nous revenons de l'expédition...

What's this? You'll know just when we return from the expedition. IF we return from the expedition ...

lundi 15 mars 2010

J'ai fini Haruki Murakami, "La fin des temps",

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Ce roman dont je vous parlais vendredi, je l'ai fini la nuit dernière, vers 04h30 du matin (pas très raisonnable tout ça). Ce sont les lectures que je préfère, celles des nuits blanches, celles à perdre haleine, s'user les yeux, celles qui renouent avec l'adolescence et ses lectures interdites que l'on poursuit bien après l'heure du couvre-feu. Celles aussi qui me permettent d'oublier mon métier, après des années de fac et d'enseignement où on ne lit plus que le crayon à la main et des analyses structuralistes en tête.
Et donc le roman est fini, et comme toujours il y a ce sentiment délicieux et ambigu de plénitude et de frustration.

Il s'y ajoute le sentiment particulier que laisse tout roman de Murakami: le coeur en suspens et égratigné, car oui, bien sûr, il ne saurait y avoir de "happy end" ni même d'achèvement. Je me suis souvent dit que la beauté de l'œuvre de Murakami, et son courage, résidaient en grande partie dans ses fins qui "malmènent" le lecteur et lui laissent au cœur une plaie ouverte, lui refusant l'apaisement des dénouements topiques et l'illusion rassurante d'une réponse.
Peu de romanciers en sont capables.

Je ne vous parlerai pas ici de l'intrigue, ni de sa construction, ni même du thème du livre. Sans doute la lassitude de la prof de Lettres. Mais aussi, et plus sûrement, car ce ne serait pas l'essentiel. J'ai envie de parler d'autres choses, ce qui serait pourtant aussi parler de ce livre ; ou plutôt, de faire parler d'autres que moi.

Tout d'abord mon ami D., qui m'a laissé la dernière fois ce très beau commentaire sur un-certain-réseau-social où s'exhibe (un peu), ma "face" :
« Très belle évocation de l'univers de Murakami. Un univers où, comme tu l'écris si justement, le fantastique est plus un filigrane du quotidien qu'une rupture avérée dans l'ordre des choses. Un instant de distraction, de relâchement, et voilà que la réalité échappe à notre logique pour se réinventer dans un intervalle qui est celui de la poésie dans ce qu'elle a de plus absolu.
Pour revenir à "La fin des temps", j'ai acheté ce roman il y a quelques mois mais je ne l'ai pas encore lu. Je crois que j'attendais le moment propice. Chacun des rendez-vous que j'ai avec Murakami est tellement particulier que je ne voudrais surtout pas le manquer!
PS: "La solitude est un cercueil de verre", quel roman! Depuis que je l'ai lu il n'a jamais cessé de me hanter.  »

Je trouve cette expression particulièrement juste : "Un instant de distraction, de relâchement, et voilà que la réalité échappe à notre logique pour se réinventer dans un intervalle qui est celui de la poésie dans ce qu'elle a de plus absolu."

Ensuite Thomas Mann, dont La Montagne Magique a suscité en moi une émotion très proche de celle de l'univers de La fin du monde, bien que ces romans paraissent en théorie très différents.
Une émotion que je pourrai dire par ces vers d'Aragon:

"Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent."

Enfin Apollinaire "J'ai tout donné au soleil/ Tout sauf mon ombre".
Ce motif de l'ombre dans "La fin du monde", qui réactualise le mythe d'Orphée, est tout simplement magnifique.

Tout ceci doit sembler quelque peu décousu. Sans doute les effets secondaires de ma nuit presque blanche et de la prose de Murakami.

dimanche 14 mars 2010

Dimanche poétique #1

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Les Yeux d'Elsa (Louis Aragon, 1942)

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire


À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés


Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure


Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé


Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche


Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux


L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages


Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août


J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes


Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa


C'est un poème (et un poète) que j'adore depuis ma première adolescence.

Pour participer vous aussi aux dimanches poétiques, c'est ici.

vendredi 12 mars 2010

On échange des graines? Seeds Share!

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Êtes-vous comme moi des amoureux de l'échange, qui adorent l'idée de fleurir des jardins à l'autre bout de la France (voire du monde) par la magie d'Internet et de la Poste? Des adeptes de la joie simple et gratuite de recevoir un petit paquet envoyé par un ami virtuel? Des ennemis du gaspillage qui se désolent d'avoir à acheter des sacs de 10000 graines quand il ne leur en faut qu'une trentaine? Echangez dans mon jardin virtuel, "Le jardin de Roseau". Cliquez sur l'image.



Do you love, like me, to share, do you love the idea to blossom gardens all over the world by the power of the Web? Do you like the simple joy of a gift sent to you by a "virtual friend"? Do you hate to waste because you have to buy your seeds by 10000 when you need only 30? I invite you to share seeds in my virtual garden, "Le jardin de Roseau".  Click on the picture.


Je lis Haruki Murakami, La fin des temps / Hardboiled Wonderland and the End of the World

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Il est quelques auteurs dont chaque livre est une rencontre, rencontre amicale ou amoureuse, c'est selon, qui ajoute à votre vie de nouveaux liens, un passé commun et intime et redessine votre réalité. Murakami bien sûr est de ceux-là, et votre vie et le monde ne sont plus jamais exactement les mêmes après la lecture d'un de ses romans.
Mais bien entendu, il ne s'agit pas d'un bouleversement, d'un raz de marée : de tels mouvements lui correspondraient bien peu. Seulement un léger déphasage des choses, une vibration sourde, un tremblement du réel, l'apparition de brisures dans ce qui vous semblait coïncider, et de coïncidences soudaines entre ce qui vous semblait pourtant jusqu'ici appartenir à des sphères irrémédiablement distinctes. Murakami réinvente le monde et le métamorphose, ce qui est justement la définition du poète.
J'ai commencé La fin des temps ce soir, et une nouvelle rencontre se produit, qui s'annonce aussi belle et troublante que l'ont été par exemple Kafka sur le rivage ou Chroniques de l'oiseau à ressort. Une rencontre pourtant différente, unique à chaque fois.
Lewis Caroll, Borges, le Bradbury de La solitude est un cercueil de verre (un livre adoré) : La Fin des temps se rapproche de ces univers, plus immédiatement étrange que dans ses autres romans.
Je savoure ce moment unique du premier rendez-vous, me précipitant avec délices dans les heures à venir, appréhendant déjà le moment où elles seront achevées.



There are some authors whose every book is a meeting, friendly or romantic, it depends, meeting which adds links to your life, a shared and intimate past, and  redraws your reality.
Murakami of course is one of them, and your life and the world are never exactly the same after reading one of his novels. But naturally, it is not an upheaval or a tidal wave : such movements would correspond him very little. Only a slight phase shift of things, a dull vibration, a tremor of reality
Murakami reinvents the world, he metamorphoses it, which is precisely the definition of a poet.
I began to read Hardboiled Wonderland and the End of the World, and a new meeting is happening, that already seems as disturbing and beautiful as were The Wind-Up Bird Chronicle or Kafka on the Shore, for example. A meeting yet different and unique every time.
Lewis Caroll, Borges, Bradbury in Death Is a Lonely Business (a beloved one) : Hardboiled Wonderland... approximates those universes, more immediately strange than his other novels.
So I'm savoring this unique moment of the first date, rushing with delight in the coming hours, already dreading the moment when they are completed

samedi 6 mars 2010

Comment manger la "nirnroot"... / How to eat "nirnroot"...

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Voici la recette promise : cliquez sur le menu...
This is the recipe : click on the menu...

Nirnroot... (bilingual post)

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N'est-elle pas magnifique? Ma fille l'appelle la "nirnroot", en référence à une plante magique que l'on trouve dans l'un de ses jeux d'Heroi-Fantasy...Et c'est vrai qu'elle semble féérique, avec ses couleurs presque surnaturelles que l'on ne s'attendrait pas à trouver au potager...
Pourtant, son nom latin est "Beta vulgaris" ; un nom bien peu digne de cette merveille de la nature, dont la fascinante beauté me saisit à chaque fois.
En français, on la nomme Bette, Blette ou Poirée : c'est ce dernier terme que je préfère et utilise
Je la plante non seulement au potager, mais aussi en pot ou au milieu de mes massifs, où elle semble être une plante rare et exotique. On la sème en avril, ou dès le mois de mars en intérieur (c'est le moment!) ; elle est de culture très facile, et j'en ai souvent gardé des pieds jusqu'en hiver.
 Stupéfiante et facile : ce ne sont pas ses seules qualités! Elle est aussi délicieuse et bonne pour la santé (elle contient en particulier des antioxydants et du magnésium) ; demain, je vous proposerai ma recette préférée pour l'accommoder: n'hésitez pas à me donner aussi les vôtres!
Et pour mes amis internautes, j'ai des graines à vous offrir si cela vous intéresse!

Isn't it beautifull? My daughter calls it "nirnroot",  referring to a magical plant that is found in one of her Heroi-Fantasy's games ... And, truly, it seems sowed by fairies, with its almost supernatural colors that you don't expect to be found in a kitchen garden.

Nevertheless, its Latin name is " Beta vulgaris "; a name very little deserving of this marvel of the nature, with which fascinating beauty seizes me every time. In english, its name is "Swiss Chard" (Why "Swiss"? I don't know).
I plant it  not only in the kitchen garden, but also in pot or in the middle of my massifs, where it seems to be a rare and exotic plant. It must be sown in April, or in March if indoor (it is the moment!); it is very easy to cultivate, and I often kept  it until winter.
 Amazing and easy :  it is not its only qualities! It is also delicious and good for health (in particular it contains antioxidants and magnesium) ; tomorrow I will give you my favorite recipe to prepare it : please give me yours too!

And for my "web friends", I have some seeds I can give you if you want!

mardi 2 mars 2010

Le printemps arrive... Here comes the spring...

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Les Coeurs de Marie réapparaissent...  Ma copine S. me dit qu'on le voit aussi dans le regard des hommes... mais ça c'est une autre histoire! (ou peut-être est-ce la même...)

Dicentra (Mary's Heart in french) are reappearing...  My friend S. told me that you can also see it in men's stare... but it's not the same topic (or it is?)